Rappels historiques

Notre Région des Pays de la Loire serait-elle menacée par des velléités d’annexion du département de la Loire-Atlantique ? Nous reprenons ci-dessous l’histoire de la création des départements et des régions de la République Française, ainsi que celle de la revendication dite de « réunification de la Bretagne » ¹.

1- Un duché féodal et des identités différentes

La Bretagne, comme les autres duchés, était avant tout un domaine féodal et une circonscription administrative et fiscale. Sous l’Ancien Régime, les gens étaient attachés aux privilèges de la province, comme en Poitou, en Anjou, dans le Lyonnais ou ailleurs. Et, ce n’était absolument pas un enjeu culturel. La Bretagne était une mosaïque d’identités très différentes. La région de Rennes était plus proche culturellement du Maine que du Finistère, et Nantes d’Angers ou d’Orléans, que de Vannes ou Quimper, avec lesquels la ville avait peu de relations. Toute l’histoire de savoir si Nantes est en Bretagne ou non, est anachronique et n’a rien de culturel. L’idée d’une culture bretonne globale est une invention du XXe siècle.

3- La création des Régions de la République

La Révolution française met un terme à l’Ancien Régime et à ses provinces dominées par les nobles et le clergé.

  • Les départements sont créés en 1790 pour abolir les pouvoirs de ceux qui possédaient les terres et les âmes. C’est ainsi que , par exemple, la province de Bretagne du Royaume de France disparait avec la Révolution. La République «Une et indivisible» naissante s’appuie sur les départements pour appliquer sa devise «Liberté, Egalité, Fraternité» partout sur son territoire, de manière uniforme.
  • De la création des Départements par la Constituante en 1790, jusqu’aux années 1950, on ne parle que des Départements. Il n’y a ni provinces, ni régions pendant plus d’un siècle et demi.
  • En 1919, le ministre Etienne Clémentel crée des zones d’organisation et de développement économique, sans rapport avec les provinces de l’ancien régime. Ainsi Nantes et Rennes ne sont déjà pas dans les mêmes zones.
  • C’est sous Guy Mollet que sont créées, en 1956, les Circonscriptions d’action régionale de la République , avec une volonté affichée d’aménagement du territoire, de développement économique, autour de grandes villes. Ainsi naissent les Régions de Bretagne et de Pays de la Loire, avec Rennes et Nantes comme capitales régionales respectives.
  • Avec la loi du 5 juillet 1972 « portant création et organisation des Régions », la Région devient un Établissement public régional. Elle est administrée par un conseil régional, assisté d’un comité économique et social. L’assemblée est composée de tous les parlementaires de la région et, en nombre égal, de représentants nommés par les conseils généraux et les principales municipalités. Son pouvoir reste limité : le préfet de région instruit les affaires et exécute les délibérations du conseil.
  • La loi du 2 mars 1982 fait de la Région une collectivité territoriale de plein exercice. Le président du conseil régional devient le chef de l’exécutif. Les compétences de la région sont centrées sur le développement et l’aménagement du territoire, la formation professionnelle, la gestion des lycées et celles des transports hors agglomération.
  • La première élection a lieu le 16 mars 1986, à la proportionnelle. Un mode de scrutin modifié en 2003 au profit d’un système à deux tours qui combine les règles du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle, afin de dégager des majorités stables.

3- Une tentative de manipulation de l’histoire

L’affirmation selon laquelle «c’est Pétain qui a décidé de séparer la Loire-Atlantique ( Loire-Inférieure, à l’époque) de la Bretagne» est tout simplement mensongère.

Certes, par un décret Pétain du 30 juin 1941, quatre «préfets régionaux» sont créés, mais il n’est question ni de Bretagne ni de Pays de la Loire, puisque lesdites «régions» sont désignées par le nom de la ville siège du «superpréfet» (régions de Rennes, d’Angers, d’Orléans et de Poitiers).

Ce découpage reprend plus ou moins le découpage de 1919 et obéit surtout aux zones territoriales imposées par la Wehrmacht occupante. Le décret Pétain reprend exactement le même découpage que le découpage militaire de la zone occupée par l’armée allemande. 

L’incrimination de Pétain est une manipulation du mouvement nationaliste breton contemporain qui cherche à se victimiser et surtout à masquer la vérité sur le lourd passé de ceux dont il porte l’héritage. En effet, le mouvement nationaliste breton des années 1940, dit « Breiz Atao », a dans sa quasi-totalité été collaborateur direct des nazis (voir ce lien)

N’oublions pas que tout au contraire, Pétain, le régime de Vichy, les maurrassiens, voulaient rétablir les provinces de l’Ancien Régime pour déconstruire les acquis de la République.

D’ailleurs, les premières revendications pour un retour à la province de Bretagne sont présentées à Pétain en 1940 par l’URB ( Union Régionaliste Bretonne). Cette organisation, plus ancienne que Breiz Atao, est présidée, pendant plus de quarante ans, par le Marquis de l’Estourbeillon , qui fut député d’extrême droite (exactement à la même époque que Jean Jaurès, mais sur des bancs totalement opposés), membre du groupe antijuifs de Drumont, décoré de la francisque.

Pétain ne pourra, fort heureusement, jamais accomplir sa Révolution Nationale. Le régime de Vichy restera une parenthèse triste dans l’histoire de France, avec un interruption de la République.

La demande de « réunification de la Bretagne » ¹ est dès le début du XXème siècle une revendication d’extrême droite et anti-républicaine.

Elle disparaît avec la dissolution des organisations nationalistes bretonnes à la Libération.

Elle renaît trente ans plus tard, en 1974, sous l’impulsion , entre autres, du nantais Jean Poupinot ancien membre de l’Institut Celtique* de 1941 ( Organisme créé par les nazis et dirigé par Roparz Hemon*, agent de la Gestapo)

« Pétain n’est pas celui qui a séparé Nantes de la Bretagne », dit l’historien Alain Croix dans la revue Place publique (n°11, septembre 2008). « Un argument de pure polémique fondé sur la mauvaise foi et/ou l’ignorance : il s’agit d’associer l’idée du découpage actuel à un homme ou à un régime qu’à peu près personne ne défend aujourd’hui, et de bénéficier ainsi de l’effet d’opprobre. » Pour ce spécialiste de l’histoire bretonne, ce découpage est « l’héritier d’un processus long, complexe et ne peut se réduire à un simple choix du régime de Vichy ».

*institut celtique

*Roparz Hemon

4- L’organisation territoriale actuelle de la République

Nous rappelons ci-dessous, l’organisation territoriale de notre République et son histoire. Notons que celle-ci a énormément évolué depuis la convention et le club des jacobins.

4.1– Les départements

Ils sont le fruit de la convention de 1790 et leur découpage n’a pas changé depuis leur création.

Ils sont les chefs de file de l’action sociale, ce qui représente plus de la moitié de leur budget de fonctionnement. Leurs missions principales concernent :

  • L’enfance
  • Les personnes âgées
  • Les personnages en situation de handicap
  • Les familles en difficulté

C’est à l’échelon départemental que sont administrés le RSA et l’aide sociale à l’enfance (ASE)

Pour lutter contre les fractures territoriales, les départements élaborent un SDAASP (Schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services aux publics) dont l’objectif est de rendre plus accessible les services de l’État.

Le département s’occupe également :

  • des collèges (construction, équipement et entretien)
  • des voies départementales
  • des transports des personnes en situation de handicap
  • de la sécurité ( pompiers, secours et délinquance)

4.2– Les régions

Les Régions de la République Française sont définies dans le but de développer de façon harmonisée, équilibrée et cohérente, l’ensemble du territoire national. C’est une approche globale, raisonnée au plan national. Les Régions, à vocation essentiellement économique, sont construites autour de grande capitales régionales. Leurs principales missions sont définies, et mises à jour, par la loi NOTRe ( Nouvelle Organisation Territoriale de la République) de 2015 :

  • Cheffes de file de l’économie du territoire, elles développent et appliquent un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ( SRDEII)
  • Les conseils régionaux disposent de portefeuilles d’aides aux entreprises, à l’investissement immobilier ou à l’innovation. Les orientations politiques sont tournées vers la durabilité, la localité, l’international.
  • Elles coordonnent les acteurs publics en matière d’emploi, de formation et d’insertion professionnelle pour déployer une stratégie efficace.
  • Elles ont pour mission secondaire l’élaboration d’un schéma régional d’aménagement et du développement durable du territoire (SRADDT). Cela comprend la gestion des ports, aéroports, voies d’intérêts régional.
  • Elles sont en charge de la construction et de l’entretien des lycées, des transports scolaires et régionaux.
  • Les Régions et les départements élaborent conjointement une politique sportive, touristique et culturelle.

5-L’histoire de l’institution des Pays de la Loire

Histoire de l’institution des Pays de la Loire

6- Clarification

Nous faisons une grande distinction entre la Bretagne, la beauté de ses paysages, les cultures et traditions populaires, leurs histoires ; et le mouvement ethno-régionaliste², ou ethno-nationaliste³, qui menace la Région des Pays de la Loire et notre République.

Nous respectons les amoureux du folklore, des danses et des musiques bretonnes. Mais, nous faisons le distinguo entre d’une part la culture bretonne et d’autre part l’exploitation politique qui en faite.

Nous aimons la Bretagne, dont nous apprécions le charme et le caractère singulier.

Pour autant, il nous semble indispensable d’apporter un certain éclairage sur les origines, l’histoire et le projet du mouvement politique ethno-régionaliste², clairement séparatiste de la République.

Notes :

¹ « Réunification » est le terme utilisé par le mouvement breton pour imposer sa propre rhétorique. Sa signification est totalement anachronique puisque la Loire-Atlantique (ou la Loire-Inférieure) , en tant que département, n’a jamais fait partie de la Bretagne. C’est la République, par la création des départements, qui a « désuni » la province de Bretagne de l’Ancien Régime.

² La notion d’ethno-régionalisme est définie par Benjamin Morel dans son ouvrage intitulé « la France en miettes » que nous citons dans « Nos références »La France en miettes; Un danger pour le modèle républicain

³ La notion d’ethno-nationalisme est définie par Yann Fouéré, leader nationaliste breton, notamment dans son ouvrage « L’Europe aux cent drapeaux ». Ce leader nationaliste breton fut collaborateur des nazis et agent de la Gestapo comme l’indique le site du GRIB que nous citons dans « Nos références ». Rappelons que les nazis voulaient dominer une Europe de la purification ethnique. Yann FouéréLe nationalisme breton

Documents:

Courrier des lecteurs de Ouest-france ( 01/2022)

Lois et décrets (imprimé à Vichy) (version papier numérisée) JO n° 0181 du 01/07/1941